Quand je vivais dans une tour de trente étages dans le dix-neuvième arrondissement de Paris, ma blonde et moi avons débusqué une souris qui rôdait dans nos armoires de cuisine.

En pareilles circonstances, le commun des mortels se procure au plus crisse des trappes et des rodenticides pour supprimer cette présence inopportune. Nous, nous avons capturé la bestiole avec une extrême délicatesse, nous l’avons déposée dans une boite en fer, tapissée de paille trouvée Dieu sait où, et nous l’avons baptisée Jean-Claude.

Pendant plusieurs jours, nous avons nourri notre hôte de Petit Beurre, en prenant soin de bien refermer son logis avec un épais plastique transparent, que nous avions percée de plusieurs trous, dans le souci d’assurer une oxygénation adéquate.

Le week-end arrivé, nous avons invité deux amis à nous accompagner à une promenade, afin de procéder à un lâcher de rongeur dans la nature sauvage du parc des Buttes-Chaumont. Le choix d’un cadre optimal de réintroduction fut laborieux. Après avoir longtemps cherché un endroit qui ne soit ni trop bruyant, ni trop passant, ni trop sale, ni trop humide, ni trop laid, ni trop bitumé, nous nous sommes arrêtés devant un monticule de terre protégé par un solide grillage.

Avec d’immenses précautions, nous avons ouvert la boite et l’avons faite basculer en avant sur le sol pour libérer la bête. Jean-Claude a timidement pointé son museau à l’extérieur, risqué quelques pas en direction de la butte, puis s’est faufilé entre les mailles de métal, avant de disparaitre entre les herbes.

Alors que nous nous apprêtions tous les quatre à quitter les lieux, la poitrine gonflée du devoir accompli, une dame intriguée, qui avait observé la scène de loin, s’est approchée de nous pour nous questionner :

« Qu’est-ce que vous faisiez à côté de la colline des chats ? »